vendredi 2 novembre 2007

De Profundis

En tant qu'occidentaux, nous avons tous étés sensibilisés au devoir de mémoire à un moment de notre éducation, à coup de visites de camps d'extermination, de films sur la shoah ou de cours d'histoire sur le génocide nazi. Si vous allez au Cambodge, ne pensez à aucun moment être immunisé contre les aspects les plus sombres de la nature humaine, ou être en mesure de les intellectualiser ou de les relativiser. Comment ne pas se glacer face aux horreurs commises par les Khmers rouges - un nombre de victimes estimé à environ 1.7 millions en moins de 4 ans ? Et comment rester stoïque face aux milliers de cranes entassés du mémorial de Choeng Ek, dont les fissures montrent que les prisonniers ont été battus à mort à coup de crosse afin d'économiser des munitions ?

Mémorial de Choeng Ek
Les Killing Fields de Choeng Ek, un ensemble de 129 charniers qui regroupe les cadavres de plus de 13,000 hommes, femmes et enfants tués par les khmers rouges, sont une première plongée dans l'horreur du génocide cambodgien. Le site est similaire à un camp d'extermination nazi (on y amenait les détenus dans le seul but de les tuer), avec le coté 'industriel' en moins: la plupart étaient massacrés a coup de crosse, de pelle ou de piolets, enfants compris. Au centre, une sono était montée sur un arbre afin d'étouffer les cris.



Encore plus difficile, la visite de la prison S21 (Tuol Sleng) s'apparente a un saut dans les abysses les plus sombres de l'histoire. Les salles de tortures sont d'une simplicité désarmante. Au sein de cette ancienne école, les khmers rouges procédaient a des interrogatoires sur leurs victimes - ennemis politiques, cambodgiens portant des lunettes, ayant des cheveux longs, ceux qui parlaient une autre langue, les docteurs, ainsi que quelques diplomates. La prison a enregistré jusque 100 morts par jour - chiffre effroyable puisque tous succombaient des suites de tortures, de viols, de malnutrition ou de maladies. Dans la prison, certains panneaux demandent au visiteur de garder le silence - une recommandation inutile, puisque celui-ci se fait de lui même.


Photo d'un leader des khmers rouges - les graffitis, inexistants ailleurs en Asie, montrent que le génocide est encore largement dans les tetes

Au total, environ 1.7 millions de cambodgiens sont mort entre avril 1975 et décembre 1978, date de la fin du régime suite a l'intervention militaire vietnamienne. Inutile de dire que, malgré la volonté de réconciliation nationale, le génocide est toujours dans les têtes. C'est aussi cette horreur qui explique l'omniprésence de Angkor au Cambodge - comme une manière de dire que malgré le génocide, le Cambodge demeure quand même le pays qui a construit une des (la?) plus grande merveille du monde. Ça tombe bien, puisque nous allons y passer les trois prochains jours.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et bien, Manu, voilà un sujet qui tranche avec tes aventures précédentes, et on sent à te lire que ta visite t'a marqué. Merci de nous faire partager tout ça, la bise à Céline.
Baptiste

Anonyme a dit…

... comme quoi les totalitarismes brun (nazi) et rouge (coco) peuvent se serrer la main niveau barbarie. Et pourtant, plein d'européens crétins continuent de se balader avec un t-shirt du Che.

Sinon, ça farte Manu ?